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Le tampon “JUIF” en France

Alors que le port de l’étoile ne fut jamais appliqué en zone sud, le gouvernement de Vichy décida – nouveauté en zone libre – d’apposer le tampon "JUIF" sur toute carte d’identité et d’alimentation des juifs de cette région fin 1942.

tampon JUIF
L’étoile jaune, signe diffamant au possible, ne fut imposée le 7 juin 1942, qu’aux Juifs de France habitant la zone occupée.
Cette mesure ne fut jamais appliquée en zone sud, même lorsqu’elle fut occupée par les troupes allemandes, à partir du 11 novembre 1942.
En effet, le gouvernement de Vichy s’est toujours opposé au port de l’étoile. Cette attitude nous laisse perplexe.
"Pourquoi Vichy se montre-t-il tellement plus récalcitrant au port de l’étoile qu’à la déportation des Juifs étrangers ?" (Marrus et PAxton, Vichy et les Juifs).
Cette étoile, pas supplémentaire sur le chemin de la solution finale du problème des Juifs dans les territoires occupés à l’ouest, selon la définition de l’Oberstrumführer SS Knochen, chef de la Sûreté en France, ne fut donc jamais portée par les Juifs de l’ex-zone libre de France.
Philippe Pétain, peut-être influencé par l’Amiral Darlan, voyait dans cette mesure une discrimination contre les Juifs français et surtout voulait que le gouvernement français soit seul habilité à faire des discriminations.
Mais il est vraisemblable que les déclarations et les lettres pastorales de l’été 1942 de Mgr. Saliège , archevêque de Toulouse et de Mgr.Théas, évêque de Montauban "Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes... Tout n’est pas permis contre eux" (Mgr. Saliège) aient influencé Pétain qui ne voulait pas se mettre à dos l’Eglise catholique.
Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives depuis le 6 mai 1942, préconisait à grand bruit le port de l’étoile, le gouvernement de Vichy resta sur ses positions, les Allemands n’insistèrent pas...

Tampon Juif

Cependant, le gouvernement de Vichy va prendre une décision plus discrète mais dont le but est exactement le même, celle d’opposer le mot JUIF sur les cartes d’identité et les cartes d’alimentation (français et étrangers) de la zone sud.
Ce "marquage" moins voyant mais non moins humiliant et dangereux est une initiative du gouvernement de Vichy. C’est la loi no. 1077 du 11 décembre 1942 parue au Journal officiel le 12 décembre 1942.
La mention Juif doit être écrite avec des caractères d’un centimètre de haut. Les Juifs sont prévus par la presse locale qu’ils doivent au plus vite oblitérer leur carte d’identité et leur carte de rationnement. Ils sont prévus également qu’afin d’assurer que la loi soit bien appliquée, l’on fera des contrôles à l’aide des listes de recensement de juin 1941.

Le tampon "JUIF" n’est pas une nouveauté pour la zone occupée.
A la suite de la décision du 13 octobre 1940 du chef de l’administration allemande, le Préfet du département de la Seine ordonnait le 19 octobre 1940 aux Juifs de se présenter dans les commissariats de leur domicile jusqu’au 7 novembre 1940 pour recevoir des cartes d’identité portant la mention "JUIF ou JUIVE" apposée au cachet rouge.

Réactions de la population juive à la loi du 11 décembre 1942.


C’est l’angoisse et parfois la panique dans les milieux juifs. On craint que les mesures anti-juives de la zone occupée s’étendent en zone sud.
Le grand rabbin de France, Isaïe Schwartz et le Président du Consistoire central Jacques Helbronner réussissent la section permanente du Consistoire afin de délibérer sur l’attitude à avoir devant la loi. Les uns sont d’avis qu’il faut s’y soumettre, mais le Grand Rabbin de France propose qu’on refuse avec fierté cette mesure vexatoire, quelle que soient les sanctions auxquelles on s’expose !
Mais la majorité des membres craint qu’une opposition du Consistoire Central puisse aboutir à la suspension du culte israélite en France et la proposition du grand rabbin de France est repoussée, par un vote, à l’unanimité moins de deux voix.
Pourquoi ? "L’ère des illusions n’avait pas encore pris fin pour presque tous les membres du Consistoire présents, et ils entretenaient encore des espoirs pour les Juifs français" (Simon Schwarzfuchs, Aux prises avec Vichy)
Le Consistoire Central, cependant, adresse à Pierre Laval une lettre de protestation dont le ton est énergique, sans plus...

Pourquoi le tampon Juif en décembre 1942 ?

En juin 1942, un chef de service du Commissariat aux Affaires Juives déclare que le recensement des Juifs de la zone sud qui datait de juin 1941 "a été mal fait. Un nouveau recensement s’impose, première condition pour prendre à l’égard des Juifs les mesures propres à atténuer efficacement les dangers que représente leur pullulement dans la zone sud" (cité par Renée Posnanski, Etre juif en France pendant la Seconde Guerre mondiale ).
Pour éviter les erreurs de juin 1941, il propose qu’il y ait un lien entre les services de recensement et les cartes d’alimentation et d’identité.

Combien de Juifs recensés par cette nouvelle formule ?

Il semble que plus de 140 000 Juifs font tamponner leurs papiers de la mention JUIF, mais les Juifs qui avaient passé clandestinement la ligne de démarcation après juin 1941 (date du recensement) n’ont, dans leur majorité, pas fait tamponner leurs cartes.

Y a-t-il des antécédents à ce "marquage" ? Les archives de l’université de Fribourg, en Allemagne, montrent que dès 1933, les étudiants non aryens reçoivent, au lieu des cartes d’inscription normale sur papier brun, des cartes jaunes. C’est le premier marquage !
Deux semaines après l’annexion de l’Autriche par le 3ème Reich, fin mars 1938, la Suisse pour "ne pas être envahie par trop de réfugiés autrichiens et ne pas créer de base à un mouvement antisémite exige de tout porteur de passeport autrichien à demander un visa d’entrée en Suisse."
Mais, très rapidement, craignant que l’Allemagne, par réciprocité, n’envisage à son tour des visas des citoyens voulant se rendre en Allemagne ou en Autriche, la Suisse propose à l’Allemagne de marquer d’un signe distinctif les passeports des "JUIFS".
L’Allemagne accepte, après quelque délai, d’apposer sur les passeports des Juifs un J qui permettra à "la police suisse de contrôler à la frontière si le voyageur si le voyageur est juif ou aryen" (termes du rapport suisse.)
L’Allemagne, le 5 octobre 1938, s’inspire de l’idée des Suisses : "tous les passeports allemands délivrés à des Juifs seront tamponnés d’un grand J majuscule à l’encre rouge".
Le mot JUDE (juif) n’apparaît en diagonale sur les cartes d’alimentation que le 18 septembre 1942.
60 ans après, je me souviens fort bien combien je tremblais quand je présentais à l’épicier, au demeurant fort sympathique de la petite ville de France où j’habitais, les cartes d’alimentation, striées d’un JUIF en pleins et déliés, de couleur rouge. J’attendais avec anxiété le retour de la carte que je cachais, le plus rapidement possible, dans ma poche, afin de la dissimuler au regard des clients qui parfois étaient... des soldats allemands.

Marianne (Malka) Picard


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